Matthieu de Bézenac

A propos d’Éther, 2015

A propos d’Éther

Félix Pinquier élabore ses sculptures-objets à partir de procédés pluriels : manipulations, combinaisons, géométrie intuitive et logiques empiriques. Dans un rapport intense au médium, ses oeuvres sont empreintes de leur geste de fabrication. Résultant d’un long façonnage manuel, des corps hybrides émergent, entre objets industriels improbables et formes étrangement sensibles. Les Objets de plateau (2010-2015), prototypes composites ici exposés sur une plate-forme brute, nous éclairent sur la genèse de la production. Ce répertoire plastique, matériologie affranchie de toute hiérarchisation spatiale, convoque également une grammaire des pratiques - remplir, évider, tirer, solidifier, assembler, sangler, tourner.

La figure du cercle – courbes, tubes, sangles, pivots, axes – n’est pas sans importance dans le travail de l’artiste et exprime un goût tant pour la mécanique que pour la cosmologie. Vrilles, oscillations, basculements et vibrations semblent à l’oeuvre. Cette rythmique visuelle manifeste un rapport étroit au souffle, aux flux qui animent, de manière sourde mais tenue, les oeuvres de Félix Pinquier. Aussi les pièces récentes évoquent-elles l’aérien, l’ascensionnel : mouvements d’élongation, verticalité des pièces et appuis muraux témoignent d’un travail sur l’apesanteur amorcé avec la série Aérolithes : « la réalisation des dessins est assez laborieuse — je fais monter les volumes petit à petit au crayon de papier — cela s’apparente presque au ponçage — du polissage — lisser la forme — la matière sera vaporeuse ou minérale — l’importance des ombres portées — après le premier dessin — la première couche — j’abîme légèrement le papier — les fibres usées absorbent le graphite — je retends les lignes et les contrastes — je redessine une deuxième fois — la volumétrie doit s’exprimer
dans l’espace du papier ».

Félix Pinquier affirme dans ses notes une corrélation entretracé, sculpture et image, et dévoile un nouvel axe de recherche à la croisée des genres. Ainsi Ether, sculpture enchâssée et prolongée d’un tuyau en cuivre, semble-t-elle néanmoins sortir du cadre – respiration ou échappatoire ? Restent ouvertes les questions du support et d’un rapport possible à la
peinture.

Les oeuvres de Félix Pinquier sont des assemblages aux propriétés diverses. Aux formes initiales, minimales, viennent se greffer des terminaisons perturbatoires : caoutchouc, cuivre, tissu, courroies, bois, acier, résine. Félix Pinquier, poète de l’articulation, joue de sculptures composites générant un brouillage visuel, kinesthésique et sonore. Ainsi, la distanciation mise en oeuvre par l’artiste, en conférant un caractère étrange à des formes aux références parfois
familières, permet d’établir des rapports avec le réel et ce malgré leur caractère mystérieux : « Un doute subsiste. La question est insoluble.»

Matthieu de Bézenac